Cher Monsieur Octavian ROGOJANU,
- Vous êtes président de l’Association du réseau européen des registres testamentaires (ARERT) depuis 4 ans, un mandat de six ans. Vous exercez cette fonction bénévolement, à titre honorifique, et vous êtes également notaire en Roumanie et membre du conseil d’administration de la chambre de Bucarest. Comment conciliez-vous ces différents rôles et responsabilités ?
Je pense que c’est un privilège, à un moment donné de la vie, de choisir d’accepter des responsabilités professionnelles qui ont un sens, même si cela implique de dépenser du temps et de l’énergie et que cela se fait sur une base volontaire. Je suis reconnaissant à mon notaire associé, qui m’aide à assumer la responsabilité exigeante de notre bureau. Il est notamment en charge lors de mes déplacements, même si je donne la priorité à la vidéoconférence autant que possible.
Je suis actuellement président de l’ARERT, et aussi membre du groupe de travail du Conseil des notaires de l’UE (CNUE) sur le droit des sociétés et j’évalue les successions au sein de la Chambre des notaires de Bucarest. Je voudrais remercier la Chambre pour son soutien financier et politique. Elle a contribué à l’organisation d’une réunion du comité directeur à Bucarest au début de mon mandat. Mes collègues notaires apprécient la mission de l’ARERT qui consiste à faciliter la communication entre les notaires d’Europe et à garantir la sécurité juridique de nos clientes et clients.
- Il faut souligner que l’Association du Réseau européen des registres testamentaires (ARERT) fonctionne depuis 19 ans. Pouvez-vous nous décrire le chemin parcouru depuis sa création en avril 2002 lors de la Conférence des présidents des chambres notariales des États membres et des Etats candidats de l’Union européenne (dont la Slovénie) à Madrid, et la signature de l’acte fondateur en 2005 ?
Tout a commencé en 2002 avec une proposition visionnaire des notaires français et belges. La mobilité accrue des citoyens en Europe confrontait les notaires à des successions transfrontalières qui n’étaient pas toujours faciles à résoudre. L’idée était de faciliter l’information sur l’existence d’une dernière volonté dans un autre pays européen, réduisant ainsi le risque que cette volonté reste inconnue ou soit retrouvée tardivement. Les années suivantes, avec le soutien du CNUE, d’autres notaires se sont joints à cette initiative. Aujourd’hui, 21 notariats européens sont membres de l’ARERT. Le chemin parcouru est remarquable, l’ARERT est aujourd’hui un outil efficace de coopération européenne
Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien financier et politique des institutions européennes, et en particulier de la Commission européenne et du Conseil de l’Union Européenne. L’ARERT a bénéficié de subventions opérationnelles et de subventions pour des projets dans le cadre des programmes e-justice successifs.
- Quel est le rôle de l’ARERT à la lumière de la ” Convention de Bâle “, qui a établi un système d’inscription des testaments, le 16 mai 1972 (Convention relative à l’établissement d’un système d’inscription des testaments (STE n° 077)), et des principes qu’elle énonce ? La Slovénie n’a pas encore ratifié cette convention ; qu’en est-il de son intégration au RERT ?
La “Convention de Bâle” de 1972 est en effet un texte fondateur pour notre association, puisqu’elle promeut la mise en place d’un système d’inscription des testaments et énonce des principes qui ont été repris dans les statuts de l’association, tels que la confidentialité de l’existence d’un testament du vivant du testateur (article 8).
Toutefois, la ratification de la Convention n’est pas une condition préalable pour devenir membre de l’ARERT ou pour interconnecter le registre. Dans ce cas, le gestionnaire du registre devra signer un accord pour accepter les principes de l’ARERT et devenir un partenaire fiable.
- Les successions comportant un élément d’extranéité posent des défis et des obstacles particuliers aux héritiers et héritières, car les règles de procédure et de conflit de lois diffèrent d’un pays à l’autre. Comment l’ARERT contribue-t-elle à faciliter et à simplifier les successions au niveau européen ?
Vous avez raison. En tant que conseillers juridiques des héritiers et des héritières, les notaires d’Europe sont confrontés à un nombre croissant de cas de successions comportant des éléments d’extranéité. Les difficultés vont de l’obtention d’informations à la mise en œuvre du règlement de l’UE. Dans ce contexte, l’ARERT propose un outil efficace et sécurisé pour obtenir facilement des informations sur l’existence d’un testament.
Tous les pays européens qui disposent d’un registre des dernières volontés peuvent l’interconnecter via le Réseau européen des registres testamentaires. Cette plateforme numérique permet aux utilisateurs des registres nationaux, principalement les notaires, d’envoyer et de recevoir des requêtes d’autres registres européens.
C’est très facile pour les notaires : ils effectuent leur interrogation via l’interface de leur registre national. Si un testament est trouvé dans une affaire de succession, le notaire recevra quelques jours plus tard l’adresse du notaire détenteur. Et si aucun testament n’est trouvé, il recevra une réponse négative, ce qui le rassurera pour la suite du processus de succession.
Aujourd’hui, 13 registres de dernières volontés sont interconnectés via notre réseau. En 2023, plus de 5000 requêtes ont été effectuées sur la plateforme et près de 700 dernières volontés ont été retrouvées. Et depuis 2015, et l’adoption du règlement européen 650/2012, nous proposons également d’interconnecter les certificats successoraux européens (CSE) : 4 membres ont déjà interconnecté leurs registres et ce nombre augmente chaque année.
Au fil des années, nous avons identifié des obstacles juridiques et techniques qui empêchent le développement de l’interconnexion des registres des dernières volontés et des registres de CSE en Europe. Dans certains cas, nous avons été en mesure de proposer des solutions intermédiaires, tandis que dans d’autres, des progrès restent à faire.
Nous espérons que le registre slovène sera interconnecté un jour car ce serait un outil utile pour le notariat. L’une des administratrices de l’ARERT et notaire slovène, Sonja KRALJ, en est persuadée. Elle a été d’une grande aide pour faire connaître l’ARERT aux notaires slovènes, et nous avons eu le privilège d’être invités à leur conférence nationale en 2023 à Portoroz pour présenter notre association.
- Comment évaluez-vous la notoriété de l’ARERT auprès des notaires et autres utilisateurs, et la coopération de l’ARERT avec les institutions européennes, notamment la Commission européenne qui prépare une évaluation de la mise en œuvre du règlement européen sur les successions n° 650/2012 pour 2025 ?
Comme je l’ai dit précédemment, nous apprécions toutes les invitations à participer aux conférences et événements organisés par les notariats en Europe pour présenter le travail de l’ARERT et sensibiliser les confrères notaires. Nous communiquons également sur les médias sociaux afin d’accroître notre visibilité. Nous avons récemment remanié notre site web que vous pouvez visiter sur www.arert.eu et nous avons créé une page LinkedIn pour partager des nouvelles.
Nous participons à des réunions avec les institutions européennes en tant qu’expert sur l’interconnexion des registres des dernières volontés et des CSE, afin de présenter des recommandations basées sur notre expérience, et d’améliorer la réglementation européenne. La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne ont apporté leur soutien et s’accordent sur la pertinence de l’interconnexion des registres testamentaires et des CSE pour une application effective du règlement 650/2012.
- En 2025, le RERT fêtera son 20e anniversaire, et les anniversaires sont toujours l’occasion non seulement de réfléchir au passé, mais aussi de fixer de nouveaux objectifs pour l’avenir. Pourriez-vous nous présenter quelques-uns de ces objectifs futurs ?
Je suis heureux de représenter l’ARERT l’année prochaine pour célébrer 20 ans de travail acharné et efficace. Le chemin parcouru a été remarquable et nous sommes ravis que notre travail soit aujourd’hui reconnu par la profession et par les institutions européennes.
Nous pouvons encore nous améliorer et l’un de nos objectifs est d’interconnecter davantage de registres de dernière volonté et de CSE. Nous avons identifié les obstacles qui subsistent. Nous avons également défini un plan de communication pour sensibiliser les notaires au réseau, avec pour objectif d’augmenter le nombre de requêtes. Enfin, nous continuerons à renforcer notre partenariat avec tous les réseaux notariaux, le CNUE et les réseaux judiciaires. Je crois qu’une Union européenne prospère exige que le notariat travaille à la sécurité juridique de tous les citoyens et donne l’exemple de la coopération transfrontalière.